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Histoire d'algues

L'algue est une amie prodigieuse en Bretagne.


Enfant, je passais des heures à marcher dans les algues et à observer ce monde végétal
qui brillait de mille artifices dans les flaques à marée basse.


DESSINS


Depuis trois ans, je suis de plus en plus présent en Bretagne et entre balades et bains de
mer, j'ai commencé à dessiner la Bretagne et ces petites criques que j'affectionne. Après
toute une série de dessins sur les rochers et galets de Porz-Pin, j'ai commencé à observer
les algues... Et dans un élan quelque-peu inconscient, j'ai entrepris de représenter ces
inextricables amas de varech. 
La tâche était complexe car je voulais saisir l'identité de l'algue dans son foisonnement et
dans sa densité. J'ai commencé avec des feutres fins noirs. Patiemment, j'ai griffonné,
esquissé, entremêlé les lignes pour faire émerger les algues toutes différentes les unes
des autres. Une grande partie de ces dessins sont réalisée sur place, mon carnet sur les
genoux.
Peu à peu, mon œil s'est exercé à cette pratique, et la mémoire et le geste graphique n'ont
fait qu'un pour me permettre d'aller à l'essentiel et de passer du détail à la structure. J'ai
changé d'outil et opté pour des marqueurs à l'encre. Avec ces derniers il n'y a pas
beaucoup de place à l'erreur, le geste doit être sûr et déterminé. Au fil des expériences, j'ai
épuré les dessins et me suis rapproché d'une « esthétique japonaise » où le noir joue
avec le blanc, le vide dessine le plein.


EMPREINTES


Les empreintes d'algues sont aujourd'hui une autre aventure.
Imprégné par les algues, j'ai cherché une autre manière de les représenter.
Le projet de réaliser des empreintes d'algues à la peinture à petit à petit fait son chemin.
J'ai commencé la expérimenter cette démarche dans un garage à Paimpol.
Ces premières et longues tentatives furent compliquées et souvent décevantes. J’ai dû
multiplier les approches, trouver la bonne disposition des algues, la bonne fluidité de la
peinture, expérimenter différents papiers et autres manipulations. Peu à peu, ces
nombreux essais me laissent entrevoir des pistes de travail.


Fin de vacances au mois d’août 2021, je ramène en Charente un énorme sac d'algues
récoltées près du Sillon du Talbert.
Dans mon atelier, je pouvais m'organiser bien mieux avec un matériel plus adapté , ce qui
constitua un nouveau tournant pour ce projet. J'ai expérimenté des techniques très
différentes et adapté ces dernières en fonction des variétés et de la taille des algues.
Algues brunes, rouges, vertes… chacune demande un mode opératoire différent. J’ai peu
à peu trouvé des solutions adaptées : exécution au pinceau, au rouleau, malaxage dans
un bain de peinture, utilisation de différents supports, etc. Cependant, le plus difficile
réside dans la maîtrise et la pression exercée pour affirmer avec justesse l'empreinte de
chaque algue.


La réalisation est prenante et particulièrement physique surtout pour les grands formats.
Comme pour les estampes et la gravure, il y a une grande fébrilité lorsque l'on retourne et
découvre le résultat. C'est un instant magique jusqu'au dernier moment.
La manière de décoller la feuille de papier de l'algue est également une étape
déterminante.


Ce travail relève d'une certaine obsession. Il y a même une forme de transe lorsqu’au-dessus de la feuille papier,

je me concentre sur chaque partie de l'algue et que petit à petit, par la pression de mes doigts et de mon poignet,

j'épouse l'algue pour faire ressortir
tous les reliefs. Le verso des feuilles d’aquarelle est très révélateur et propose une autre
lecture , faisant davantage appel au toucher qu'à l’œil sorte de négatif, hasardeux mais
toujours surprenant.


Aujourd'hui, ces empreintes d’algue affichées dans mon atelier se libèrent de cette haute
lutte artistique et se proposent au regard avec une sérénité silencieuse et extatique.


Le flux et reflux de la Bretagne,
sur les algues baignées de lumière.
Algues voyageuses entre Angoulême et Paimpol.

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